Changement de paradigme : La volonté de cesser de fumer n’est pas toujours garante du succès

Certaines données portent à croire que TOUS les fumeurs peuvent bénéficier de se faire offrir de l’aide

Selon les recommandations des lignes directrices canadiennes et américaines en matière d’abandon tabagique, si un patient n’est pas prêt à renoncer au tabac, on devrait avoir recours à l’entrevue motivationnelle pour encourager une future tentative d’abandon1,2. Près des 2/3 des fumeurs envisagent sérieusement de renoncer au tabagisme au cours des 6 prochains mois, mais bien peu seront prêts à le faire dans le prochain mois2. Par conséquent, lorsqu’on demande aux patients s’ils sont prêts à cesser de fumer et en offrant un traitement uniquement aux fumeurs qui se disent prêts à écraser, on empêche la vaste majorité des fumeurs de recevoir un traitement.

De nombreuses études démontrent que les TRN accroissent significativement les taux d’abandon chez les personnes qui ne sont pas prêtes à cesser de fumer

Plan de l’étude Résultats

Revue systématique de 10 études contrôlées à répartition aléatoire3

  • Portant uniquement sur des patients qui n’étaient pas prêts à arrêter de fumer

Les interventions axées sur la réduction du tabagisme incluant une pharmacothérapie, comme les TRN, ont accru significativement l’abstinence à long terme3.

Étude contrôlée à répartition aléatoire4

(n = 750; 10 cigarettes et plus/jour)

Les fumeurs qui n’étaient pas prêts à écraser ont eu le même taux d’abandon que ceux qui étaient prêts à le faire, lorsqu’on leur offrait une pharmacothérapie4.

Étude de population5

(n=2168)

La motivation à arrêter de fumer ne permettait pas de prédire l’abstinence, et seule la moitié des fumeurs qui ont réussi à arrêter avaient déclaré au départ qu’ils prévoyaient le faire5,6.

Étude à répartition aléatoire faisant appel à des interventions téléphoniques (n = 3006)

L’intervention a accru le recours au traitement antitabagique et le taux d’abstinence après 1 an chez les patients qui avaient l’intention d’écraser et chez ceux qui n’en avaient pas l’intention. Près de la moitié des patients qui ont réussi à arrêter avaient déclaré au départ qu’ils n’étaient pas prêts à le faire7.

Les intentions des fumeurs, comme leur volonté de cesser de fumer peuvent changer rapidement sur une base quotidienne

Une nouvelle stratégie thérapeutique : l’approche « fumeur non motivé »

Des travaux récents de Richter et ses collègues mettent de l’avant une nouvelle approche intéressante pour l’abandon du tabagisme : une stratégie « fumeur non motivé » (vs « fumeur motivé »). Au lieu de demander aux patients s’ils sont prêts à écraser avant de leur offrir un traitement, on offre un traitement à tous les patients, et ils doivent choisir de ne pas le suivre8.

On doit ensuite se pencher sur les tentatives d’abandon précédentes pour établir le format et la posologie appropriés.

Nouveau paradigme de traitement : Fumeur motivé vs fumeur non motivé6
Fumeur motivé Fumeur non motivé
Fumeur?
Brefs conseils
Prêt ou disposé à écraser?
Oui
Aide
Médicaments/soutien
Non
Intervention motivationnelle
Fumeur?
Brefs conseils
Aide
Médicaments/soutien

Des données portent à croire les PDS traiteront plus efficacement la dépendance au tabac en offrant des soins autant aux fumeurs motivés qu’aux fumeurs non motivés9 :

  • Conseiller à tous les patients d’abandonner le tabac a accru significativement l’abstinence à long terme comparativement au fait de ne donner aucun conseil (RR = 1,47, IC à 95 % : 1,24 à 1,75).
  • Les fumeurs à qui l’on offrait une TRN avaient deux fois plus de chances d’écraser comparativement à ceux à qui l’on offrait seulement du counseling (RR = 1,49, IC à 95 % : 1,17 à 1,89)

Les PDS peuvent choisir le dépistage conventionnel ou la stratégie « fumeur motivé » parce qu’ils craignent de nuire à leur relation avec les patients en faisant pression sur eux pour qu’ils écrasent. Toutefois, les données probantes indiquent le contraire. En effet, les fumeurs (même ceux qui ne sont pas prêts à écraser) expriment une plus grande satisfaction à l’égard de leur PDS lorsqu’ils reçoivent une intervention10

« Lorsque de solides données probantes étayent un traitement approprié, celui-ci devrait être présenté comme le traitement par défaut8. »

- Richter et coll., 2015

Traitement du tabagisme à titre d’affection chronique

Selon les données probantes actuelles, on devrait aller au-delà des techniques visant à convaincre les fumeurs d’écraser avant de leur offrir un traitement. Cette approche pourrait sous-estimer la motivation d’écraser des fumeurs, étant donné que la vaste majorité d’entre eux souhaitent cesser de fumer sans exprimer nécessairement leur volonté de le faire11. Les PDS pourraient être plus efficaces en traitant la dépendance au tabac de la même façon qu’ils traitent l’hypertension et d’autres affections chroniques en recommandant de manière proactive les traitements fondés sur les données probantes, comme les TRN, que les fumeurs soient motivés ou non d’abandonner le tabagisme. Par exemple: Avez-vous consommé un produit du tabac au cours des 30 derniers jours? La meilleure façon de cesser de fumer est le soutien en association avec la médication, comme les TRN. Voici la dose que je vous recommande...

Les chances de réussite sont liées à la dépendance à la nicotine et non à l’intention de cesser de fumer.

-- Ontario Tobacco Research Unit Report, 2016

« Offrir un traitement uniquement aux fumeurs déjà prêts à cesser de fumer limite encore davantage la portée des interventions antitabagiques actuelles4. »

- Ellerbeck EF, et coll. Ann Intern Med. 2009